Le sort de Taïwan plonge le Japon et la Chine dans une crise diplomatique sans précédent

Le Japon pourrait recourir à l’usage de la force si la Chine envahissait Taïwan, a déclaré la Première ministre nippone Sanae Takaichi. En réponse, Pékin a multiplié menaces, injures et mesures de représailles.

L'envers du globe
4 min ⋅ 20/11/2025

Je suis Thierry Arnaud, éditorialiste à BFMTV, ex-correspondant à New York et Londres, ancien chef du service politique de BFMTV et directeur de la rédaction de BFM Business. Crises géopolitiques, tensions économiques, recompositions du pouvoir… Chaque semaine, je vous propose de décrypter l’actualité internationale.

Le directeur général japonais du Bureau des affaires asiatiques et océaniennes du ministère des Affaires étrangères, Masaaki Kanai (à gauche), et le directeur général chinois du Département des affaires asiatiques, Liu Jinsong (au centre), quittent le ministère des Affaires étrangères à Pékin après une réunion, le 18 novembre 2025. Le Japon a mis en garde ses ressortissants en Chine, les incitant à la prudence et à éviter les grands rassemblements en raison des tensions diplomatiques liées aux propos de la Première ministre nippone Sanae Takaichi sur Taïwan (Pedro Pardo / AFP).

Pékin déterminé à punir Tokyo pour sa défense de Taïwan

‘‘Le sujet de Taïwan touche au cœur des intérêts de la Chine. Quiconque ose franchir cette ligne rouge affrontera l’opposition déterminée de plus de 1,4 milliard des Chinois et de l’entière nation chinoise’’
Éditorial du Quotidien du Peuple, novembre 2025

Ce ne sont que quelques mots prononcés à l’occasion d’une session ordinaire du Parlement japonais, le vendredi 7 novembre. Mais ils ont mis le feu aux poudres et provoqué la plus grave crise diplomatique entre la Chine et le Japon depuis la reprise de leurs relations, en 1972. La nouvelle première ministre, Sanae Takaichi, est interrogée sur les “situations de menaces à la survie” de l’Archipel qui, selon la loi japonaise, justifient l’usage de la force. Quid de Taïwan, dans l’hypothèse d’une invasion par la Chine, se voit-elle demander ? “Si cela implique l’utilisation de navires de guerre et l’usage de la force, je pense que cela pourrait constituer une menace existentielle, quelle que soit la façon dont vous le considérez”

Menace de décapitation

Les mots sont prudents, le conditionnel est de rigueur, mais l’hypothèse, pour être implicite, n’en est pas moins claire: si la Chine envahit Taïwan, le Japon est prêt à en défendre la souveraineté, les armes à la main. Il n’en fallait pas plus pour provoquer aussitôt une avalanche de condamnations, de mesures de représailles, quand il ne s’agissait pas de menaces proférées sur le ton de l’injure. “Cette sale tête qui a lancé la charge de sa propre initiative devra être coupée sans la moindre hésitation. Êtes vous prêt à cela ?”, s’est ainsi insurgé le consul général de la Chine à Osaka, Xue Jian dans un message sur le réseau social X, retiré depuis.

Pas touche à Taïwan

À peine plus modéré, le Quotidien du Peuple a rappelé la ligne officielle: “Le sujet de Taïwan touche au cœur des intérêts de la Chine. Quiconque ose franchir cette ligne rouge affrontera l’opposition déterminée de plus de 1,4 milliard des Chinois et de l’entière nation chinoise.” Car pour Pékin, les choses ont toujours été claires: Taïwan, ses plus de 150 îles, ses quelques 25 millions d’habitants, ses fleurons technologiques font partie intégrante de la République Populaire de Chine. La question n’est pas de savoir si la réintégration aura lieu, mais quand. Et la Chine ne reconnaît à personne le droit d’en contester la légitimité.

Tout avait pourtant bien commencé entre Sanae Takaichi et la Chine. Sa première rencontre avec Xi Jinping, le mois dernier en Corée du Sud, a été marquée par des échanges plutôt chaleureux, le président chinois évoquant “un travail pour faire avancer une relation stratégique et mutuellement bénéfique”. Depuis, la Chine a envoyé ses bâtiments de guerre et ses drones dans des eaux contestées par les deux pays, suspendu ses importations de produits de la mer en provenance de l’Archipel et invité ses ressortissants à ne plus se rendre au Japon (les compagnies aériennes se sont engagées à rembourser les billets).

Trump à la rescousse

La déclaration de la première ministre “ont fondamentalement endommagé la fondation politique de la relation entre la Chine et le Japon” affirmait encore ces dernières heures le ministère chinois des Affaires Etrangères. Jusqu’ici, la cheffe du gouvernement nippon n’a pas cédé à l’injonction de Pékin exigeant des excuses et le retrait de ses propos. Elle n’a fait, a-t-elle expliqué, que réitérer la position connue de Tokyo. Et face au vitriol déversé depuis Pékin, Sanae Takaichi peut aussi se rassurer en regardant du côté de Washington: en l’espace d’une semaine, Donald Trump vient d’autoriser la vente à Taïwan de plus d’un milliard de dollars de matériel militaire, pour la première fois depuis son retour à la Maison Blanche.

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C’est le nouveau record établi par la rue commerçante désormais la plus chère du monde: Bond Street, à Londres. La surface commerciale s’y loue 2231 dollars par “square foot” et par an, soit près de 20.000 euros par m2, selon l’étude que vient de publier Cushman & Wakefield. La célèbre rue londonienne où les marques de luxe se disputent les emplacements les plus en vue vient ainsi détrôner la 5ème avenue de New York et la Via Monte Napoleone à Milan, qui occupe la deuxième place. Les Champs Élysées demeurent l’artère parisienne la plus convoitée, pour un tarif toutefois nettement moins élevé, de l’ordre de 12.000 euros par m2 et par an.

Bond Street à Londres, le 13 novembre 2025. (Ben Montgomery/Getty Images via AFP)

La lecture de la semaine

“The ‘Donroe Doctrine’: Trump’s power play in Latin America”, Financial Times, 18 novembre 2025

La “Monroe Doctrine”, vous vous souvenez ? Ce fut l’un des piliers de la diplomatie américaine du début du XIXe siècle à l’initiative du président James Monroe, avec l’Europe en ligne de mire et quelques principes énoncés clairement: rester à l’écart des conflits européens, imposer le respect des nations américaines, dissuader de toute nouvelle colonisation. Deux siècles plus tard, l’actuel président est-il en train de jeter les bases d’une “Don-roe doctrine” (on aura compris le jeu de mot sur son prénom) ? Il a cette fois le regard braqué vers le Sud et de fermes intentions. De la destruction des bateaux des passeurs de drogues à la pression sur le Venezuela en passant par le soutien économique à l’Argentine, il apparait de plus en plus clairement que Donald Trump ne limite pas ses ambitions aux États-Unis quand il entend “Make America Great Again”.

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Thierry Arnaud

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