Le Prix Nobel de la Paix, ce doux rêve de Donald Trump

Le président des États-Unis affirme avoir résolu sept conflits mondiaux. Il poursuit, à sa manière, les efforts en vue d'une résolution de la guerre en Ukraine. Avec en ligne de mire obsessionnelle cette récompense suprême.

L'envers du globe
4 min ⋅ 28/08/2025

Je suis Thierry Arnaud, éditorialiste à BFMTV, ex-correspondant à New York et Londres, ancien chef du service politique de BFMTV et directeur de la rédaction de BFM Business. Crises géopolitiques, tensions économiques, recompositions du pouvoir… Chaque semaine, je vous propose de décrypter l’actualité internationale.

Le président Trump reçoit le président Zelensky le 18 août dernier à la Maison-Blanche pour une réunion bilatérale, puis une réunion élargie avec les dirigeants européens afin de discuter d'un accord de paix entre la Russie et l'Ukraine. Alex Wong/Getty Images/AFP (Photo par ALEX WONG / Getty Images via AFP).

Un président américain qui se voit en faiseur de paix et attend sa récompense

“Ils ne me donneront jamais le Prix Nobel de la Paix. Mais je le mérite.”
Donald Trump, président des États-Unis, recevant Benyamin Netanyahu à la Maison Blanche en février 2025

Un compliment pour Hillary Clinton ? Mais quelle mouche a donc pu piquer Donald Trump pour qu’il choisisse de faire assaut d’amabilités à l’endroit de son adversaire honnie de l’élection de 2016, celle à laquelle il promit jadis la prison, tandis qu’Air Force One le conduit ce vendredi 15 août vers l’Alaska pour y rencontrer Vladimir Poutine. “C’est vraiment très gentil. Il va peut-être falloir que je l’aime bien à nouveau", avoue-t-il au journaliste de Fox News, Bret Baier. Car l’adversaire d’hier a joué sur la corde sensible, se disant prête… à soutenir la candidature du président américain au Prix Nobel de la Paix. Cet engagement était évidemment assorti d’une condition teintée d’ironie: que Donald Trump obtienne une paix pour l’Ukraine sans la moindre concession territoriale de la part de Kyiv.

Donald Trump n’a pas pour habitude de se montrer magnanime face à la boutade d’un adversaire politique. Mais il ne fait aucun doute qu’à ses yeux, le sujet mérite toutes les indulgences. Ce Prix Nobel de la Paix, Donald Trump en rêve depuis son retour à la Maison Blanche. Il y fait référence à chaque occasion. “Il ne me le donneront jamais. Mais je le mérite”, lançait-il dans le bureau ovale en février dernier. À ses côtés ce jour-là, Benyamin Netayahu opine, sans broncher. Quelques mois plus tard, en juillet, le premier ministre israélien apportera officiellement son soutien à la nomination du président américain auprès du Comité Nobel. Un peu plus tôt, le gouvernement du Pakistan a accompli la même démarche au motif de “l’intervention diplomatique décisive” du président américain dans son conflit avec l’Inde.

“J’ai mis un terme à sept guerres,” affirme le Président américain à l’appui de sa candidature à l’académie suédoise

À l’appui de sa candidature, Donald Trump affirme avoir mis un terme à six conflits, puis parlera même de “sept guerres”, et enfin de dix affrontements en y incluant des “pré-guerres” non spécifiés, mais pour l’essentiel: Israël-Iran, Inde-Pakistan, Rwanda-République Démocratique du Congo, Thaïlande-Cambodge, Égypte-Éthiopie, Serbie-Kosovo, Arménie-Azerbaïjan… Comme souvent, le président américain a sensiblement déformé la réalité à son avantage. Si le soutien américain à Israël face à l’Iran a certainement été décisif, les autres conflits, qui au passage ne méritent pas tous le qualificatif de “guerre” ne sont pas durablement résolus, et dans plusieurs cas, la nature décisive de l’intervention américaine reste à démontrer, comme l’affirment d’une même voix les experts de la diplomatie américaine. Et si Donald Trump ne ménage pas ses efforts pour obtenir la paix en Ukraine, de la rencontre récente avec Vladimir Poutine au sommet de Washington avec Volodymyr Zelensky et ses alliés européens en passant par les incessantes consultations menées par son négociateur en chef Steve Witkoff, la résolution de ce conflit emblématique semble toujours hors de sa portée.

Un Comité Nobel sceptique

Il y a bien sûr une autre raison pour laquelle Donald Trump tient tant à ce Prix Nobel de la Paix. Barack Obama, lui, l’a eu, dès 2009, à peine installé dans le bureau ovale. Le 44e président américain se voyait ainsi recompensé pour “ses efforts extraordinaires pour renforcer la diplomatie internationale et la coopération entre les peuples”. Obama lui-même en fut surpris, au point de croire à une plaisanterie quand on lui annonça la nouvelle, tant il n’avait pas accompli grand chose. Il tiendra d’ailleurs ce Nobel pour un “appel à l’action” plutôt que la reconnaissance d’une quelconque réussite. Raison de plus, aux yeux de Donald Trump, pour récompenser un président américain qui est un véritable “faiseur de paix”.

S’il avoue ne pas trop y croire encore jusqu’ici, c’est plus par lucidité que par modestie. Pas seulement parce les nominations officielles en sa faveur portent en l’occurrence sur l’attribution du prix 2026 - le prix 2025 sera remis le 10 octobre prochain. Surtout, au moins trois des cinq membres du Comité Nobel ont exprimé des réserves, non seulement sur la portée de l’action diplomatique du président américain, mais aussi sur l’évolution de la démocratie aux États-Unis ou les pratiques de la Maison Blanche vis-à-vis des médias qui ne lui sont pas favorables.

Si l’on connaît Donald Trump, on sait qu’il en faudrait bien davantage pour le décourager. Toutes les occasions sont bonnes pour pousser sa candidature. Le ministre des Finances norvégien a ainsi raconté comment le président américain l’avait encouragé à le soutenir dans cette démarche à l’occasion d’une conversation téléphonique portant sur… les droits de douane - le parti travailliste de Jens Stoltenberg participe à la nomination des membres du Comité Nobel… Sur son réseau social Truth Social, ses messages vantant ses mérites à la récompense suprême se comptent par dizaines. Et sa campagne ne fait que commencer.

Le chiffre

-11%

Voilà ce que représente la dépréciation du dollar vis-à-vis de l’euro depuis le 1er janvier. Un pourcentage spectaculaire qui affecte lourdement les compétitivités respectives des exportateurs américains et européens, au bénéfice des premiers. Une évolution qui pourrait s’accentuer, tant la guerre menée par Donald Trump à la Réserve Fédérale est intense et permanente pour obtenir une baisse des taux.

L’évolution du cours de l’eurusd sur une année (source BFM Bourse)

La lecture de la semaine

“The wrong way to end a war” The Economist, 26 août 2025

L’histoire nous apprend combien céder aux conditions russes pour la paix en Ukraine serait dangereux. L’hebdomadaire britannique revisite les conflits passés, et singulièrement la guerre de Corée, pour conclure que les exigences maximalistes de Vladimir Poutine mènent à la pire des issues possibles.

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Thierry Arnaud

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