210 milliards de dollars: c'est le montant des avoirs russes gelés en Europe. Jusqu'où les mettre à la disposition de l'Ukraine et selon quelles modalités ? Face à des risques juridiques et géopolitiques considérables, les Vingt-Sept peinent à surmonter leurs divisions.
Je suis Thierry Arnaud, éditorialiste à BFMTV, ex-correspondant à New York et Londres, ancien chef du service politique de BFMTV et directeur de la rédaction de BFM Business. Crises géopolitiques, tensions économiques, recompositions du pouvoir… Chaque semaine, je vous propose de décrypter l’actualité internationale.
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky tient une conférence de presse lors du sommet du Conseil européenle 23 octobre 2025, qui réunit les dirigeants de l'UE. Parmi les sujets abordés figurent l'engagement européen d'un prêt de 140 milliards d'euros en faveur de l'Ukraine, financé par le gel des avoirs russes. (AFP)
« Le moment d’agir sur les avoirs russes, c’est maintenant. »
Volodymyr Zelensky, 23 octobre 2025
Sur le papier, l’équation est plutôt simple. D’un côté, près de 210 milliards d’euros d’avoirs russes gelés en Europe, dont environ 185 milliards en Belgique, au sein de la structure de compensation Euroclear. De l’autre, les immenses besoins de l’Ukraine et le projet de l’Union Européenne de lui accorder un prêt allant potentiellement jusqu’à 140 milliards de dollars pour financer son effort de guerre et réparer les dégâts causés par les incessants assauts russes. Pour Volodymyr Zelensky, la conclusion va de soi: “Quiconque retarde la décision sur l’utilisation complète des avoirs russes gelés ne limite pas seulement notre défense, mais ralentit également les progrès de l’UE elle-même. Le moment d’agir sur les avoirs russes, c’est maintenant”, a lancé le président ukrainien à l’occasion du dernier conseil européen, le 23 octobre. Mais les âpres débats qui viennent de marquer ce sommet à Bruxelles, et se poursuivent depuis, montrent que mettre la main sur ce trésor russe au profit de Kyiv ne sera pas si simple.
Certes, cette abondante ressource a déjà été mise à profit, mais dans un cadre précis, circoncrit: seuls les intérêts produits par les avoirs russes ont été mobilisés pour être mis à la disposition de l’Ukraine. Un premier transfert de 1,5 milliards d’euros est intervenu en juillet 2024, un second de l’ordre d’un milliard en mai 2025. Les services de la Commission Européenne évaluent les revenus produits par les avoirs gelés entre 2,5 et 3 milliards d’euros par an. Et le G7 s’est engagé à accorder un prêt de 50 milliards de dollars garanti par ces intérêts à venir. Or l’Ukraine et la plupart de ses partenaires européens partagent aujourd’hui ce constat: c’est beaucoup, c’est bienvenu, mais ce n’est pas assez. Il faut changer d’échelle pour donner à l’Ukraine les moyens de se défendre plus efficacement, et dans la durée. Et la seule façon d’y parvenir est d’aller au-delà des intérêts produits par ces avoirs pour en utiliser le principal. Peut-on le faire en respectant le droit international ? Et sans prendre un risque politique inconsidéré ? Jusqu’ici, les Vingt-Sept se montrent incapables de répondre positivement et à l’unanimité à ces deux questions.
Bart de Wever, le nationaliste flamand à la tête du gouvernement belge depuis le 3 février dernier, se sait en première ligne, puisque 90% des avoirs russes gelés en Europe le sont en Belgique. Il assume donc très clairement le motif de sa résistance: “Si nous prenons l’argent de Poutine, il confisquera le nôtre. Les entreprises européennes seront saisies”, argue-t-il. Un tel précédent serait beaucoup trop dangereux, à ses yeux, et c’est bien la raison pour laquelle le pas n’a jamais été franchi. “Même pendant la Seconde Guerre mondiale, cela n’a jamais été fait”, ajoute-t-il. Pour une bonne raison: les procès qui ne manqueraient pas de suivre pourraient… donner raison à la Russie. Et si la Chine décidait de retirer ses avoirs en Europe pour se mettre à l’abri d’une telle mesure ? Les conséquences pour la zone euro pourraient s’avérer dramatiques. En outre, la présidente de la BCE, Christine Lagarde, a fait valoir que les Européens devaient rester en mesure de rembourser l’intégralité des fonds instantanément dans l’hypothèse d’un accord de pays.
Si le Premier ministre belge a pris la tête de la fronde, on ne peut pas dire que sa ligne soit violemment contestée par tous. Emmanuel Macron, par le passé clairement hostile à l’utilisation du principal des avoirs russes, est ainsi resté sur une ligne prudente. Pour la France, cette hypothèse ne serait désormais envisageable qu’à la condition d’être suivie et répliquée par les États-Unis, le Canada, le Royaume-Uni et le Japon. On en est, c’est un euphémisme, encore loin. Le Japon, pour ne citer que ce seul exemple, détient 50 milliards d’euros d’avoirs russes et demeure très fermement opposé à cette option.
La balle est donc désormais dans le camp de la Commission Européenne et de sa présidente Ursula von der Leyen, sommée de trouver une solution d’ici la fin de l’année. Sa proposition initiale revêtait la forme d’un “prêt de réparation” garanti par les États membres, selon les modalités suivantes: 185 milliards prêtés par Euroclear à l’UE, 140 milliards prêtés par l’UE à l’Ukraine, les réparations versées par la Russie venant en déduction de ce prêt. C’est donc sur la base de cette copie, rejetée une première fois, qu’il faut tenter de trouver une voie de passage. Le moins que l’on puisse dire est qu’elle s’annonce étroite.
[En partenariat avec l’Assurance Maladie]
Arrêt de travail : un acte médical au service de la santé
Selon une étude de l’Assurance Maladie et Ipsos/BVA, un tiers des actifs a connu au moins un arrêt maladie au cours de l’année. Si la majorité de ces arrêts sont justifiés et nécessaires, près d’un sur deux est prescrit à la demande du patient.
Un constat qui interroge notre rapport au travail, à la santé et à la solidarité collective.
À travers sa nouvelle campagne, l’Assurance Maladie rappelle qu’un arrêt de travail n’est pas une formalité mais un acte médical, prescrit selon une évaluation clinique et contextuelle.
Elle agit aux côtés des professionnels de santé, des entreprises et des acteurs de terrain pour prévenir les usages inappropriés, favoriser le retour au travail et préserver la soutenabilité de notre système de santé.
En savoir plus sur les bons réflexes : https://www.bonsreflexes.ameli.fr/en_arret_de_travail.html
C’est l’lmpact (en termes de PIB perdu) de chaque semaine de fermeture des services du gouvernement fédéral aux États-Unis. Mais la facture de ce “shutdown”, produit du bras de fer entre Démocrates et Républicains au Congrès, pourrait doubler si le conflit parlementaire se prolonge. Entamé le 1er octobre, le “shutdown” est déjà le deuxième plus long de l’histoire des États-Unis, le record étant de 35 jours en 2018-19. Selon les derniers sondages, une courte majorité relative d’Américains jugent que les Républicains sont les principaux responsables du blocage.
“Donald Trump urged Volodymyr Zelenskyy to accept Putin’s terms or be ‘destroyed’ by Russia,” Financial Times, 20 octobre 2025
Cette fois, les caméras du monde entier n’étaient pas là. Mais la rencontre entre le président des États-Unis et le président ukrainien, le 17 octobre dernier à la Maison Blanche, semble ne s’être guère mieux passée que la désormais célèbre altercation du 28 février. D’où l’importance de la plongée dans les coulisses de cet échange houleux relaté par le quotidien économique britannique, et notamment son correspondant en Ukraine, Christopher Miller. Au lieu des missiles à longue portée Tomahawks qu’il était venu chercher, Volodymyr Zelensky a eu droit à une longue explication de gravure, où le ton est vite monté et les jurons ont été fréquents, l’invitant en substance à céder pour ne pas être “détruit” par Poutine. Il en a conclu que le président américain voulait une paix rapide, quel qu’en soit le coût pour les Ukrainiens.
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Thierry Arnaud