Donald Trump va-t-il vraiment sacrifier l'Ukraine ?

Le président américain ne cesse d'osciller entre une volonté de faire la paix à tout prix et le risque, tant sur la scène mondiale qu'en politique intérieure, de trop céder à Vladimir Poutine. Autour de lui, les tenants de ces deux lignes s'affrontent.

L'envers du globe
5 min ⋅ 27/11/2025

Je suis Thierry Arnaud, éditorialiste à BFMTV, ex-correspondant à New York et Londres, ancien chef du service politique de BFMTV et directeur de la rédaction de BFM Business. Crises géopolitiques, tensions économiques, recompositions du pouvoir… Chaque semaine, je vous propose de décrypter l’actualité internationale.

Russes, Ukrainiens et Européens se disputent les faveurs d’un président américain qui veut imposer sa paix

“Poutine a passé toute l’année à essayer de prendre le président Trump pour un imbécile. Si les responsables de l’Administration sont plus soucieux d’apaiser Poutine que d’assurer une paix durable, alors le président devrait se trouver de nouveaux conseillers. Récompenser la boucherie russe serait désastreux pour les intérêts américains”
Mitch McConnell, sénateur républicain du Kentucky, sur X, 21 novembre 2025

Pour l’Europe et l’Ukraine, Trump est-il toujours un allié ? “Avez-vous déjà construit un immeuble ?”, répond du tac au tac ce ce proche du président américain à qui l’on pose la question. “Quand on construit un immeuble, on négocie. Et quand on négocie, parfois on tape du poing sur la table, parfois on se lève et on s’en va, parfois on revient et on cajole son interlocuteur… À ce jeu, nous avons le meilleur. C’est Donald Trump”, poursuit-il.

Appliquée aux négociations des derniers jours, de Kyiv à Abu Dhabi, cette grille de lecture pourrait se traduire de la manière suivante: d’abord publier un plan en 28 points très favorable à la Russie pour amener Vladimir Poutine à la table des négociations, pousser un Volodymyr Zelensky affaibli à d’importants sacrifices pour obtenir la paix, et fixer une date butoir quelques jours plus tard, le 27 novembre en l’occurrence, pour mettre une pression maximum. Pour ensuite, amender la copie initiale afin d’amadouer Européens et Ukrainiens et parvenir à un accord plus équilibré. Enfin, passer en force pour l’imposer à tous.

Mais à mesure que s’accumulent les révélations sur les coulisses de ces négociations, une thèse alternative apparaît: Donald Trump ne serait pas tant le maître d’une imprévisibilité érigée en art diplomatique qu’un champion de l’inconstance, vulnérable aux influences successives et aux sautes d’humeur, mais toujours accroché à son rêve d’un prix Nobel de la Paix assorti d’une réconciliation avec la Russie.

La “méthode Gaza” appliquée à l’Ukraine

Fort de l’accord obtenu à Gaza, Donald Trump s’est manifestement convaincu qu’il peut appliquer la même méthode avec le même succès en Ukraine. Une nouvelle fois, son principal négociateur et ami proche Steve Witkoff a pris les rênes, à l’automne. Il a rencontré en secret Kirrill Dmitriev, patron du fonds souverain russe et proche de Vladimir Poutine. Ensemble, ils jettent à Miami les bases du plan en 28 points, très largement favorable à la Russie. Dan Driscoll, secrétaire d’État au Pentagone officiellement en charge de l’armée de terre, proche du vice-président JD Vance, se rend à Kyiv pour présenter la copie au gouvernement ukrainien. À prendre ou à laisser, explique-t-il en substance, mais si l’Ukraine choisit de laisser, les prochaines propositions lui seront encore plus défavorables.

La complaisance de Steve Witkoff

On connaît la suite. Se sentant acculé, Volodymyr Zelensky annonce que l’Ukraine vit l’un des moments les plus difficiles de son histoire, et doit choisir entre la perte d’un allié indispensable et sa dignité. Ses alliés européens se mobilisent. Européens, Américains et Ukrainiens se retrouvent à Genève pour amender la copie et en soustraire les points les plus inacceptables pour l’Ukraine - la réduction de son armée, l’abandon de la totalité du Donbass… Les conversations se poursuivent avec les Russes à Abu Dhabi. Résultat: Donald Trump renonce à son plan en 28 points et au “deadline” de Thanksgiving, le 27 novembre. Mais il entend bien reprendre la main: Steve Witkoff est prié de se rendre à Moscou pour rencontrer Vladimir Poutine dans les prochains jours, Dan Driscoll reprendra le chemin de l’Ukraine. Sur son réseau Truth Social, le président américain se dit prêt à rencontrer Zelensky et Poutine mais si et seulement si un accord définitif est finalisé. “Il ne reste plus que quelques points de désaccord,” promet-il.

C’est ainsi que la question se repose avec une nouvelle acuité: le président américain se prépare-t-il à lâcher l’Ukraine ? Car ce mardi 25 novembre; l’agence Bloomberg publie un document explosif: le verbatim d’une conversation, mi-octobre, entre Steve Witkoff et Iouri Ouchakov, le conseiller diplomatique de Vladimir Poutine. L’Américain conseille le Russe sur l’attitude à adopter et les propos à tenir à Donald Trump (en gros, se confondre en compliments à l’égard de “l’homme de paix”), il déclare son “plus profond respect pour le président Poutine”. Et ajoute: Entre toi et moi, je sais ce qu’il faudra pour conclure un plan de paix : Donetsk et peut-être un échange de territoires quelque part.” Bref, l’Ukraine doit céder, y compris cette partie de Donetsk que la Russie n’a toujours pas conquise. L’”Envoyé Spécial” de Donald Trump semble avoir clairement choisi son camp.

Le Sénat résiste, Rubio tempère

Il n’est pas le seul. Le vice-président JD Vance et ses proches plaident depuis longtemps pour une ligne dure vis-à-vis de l’Ukraine, ouvrant la voie à un retrait américain et un accord profitable avec la Russie. Mais au Sénat, les ténors républicains sont de plus en plus nombreux à résister publiquement, sans mâcher leurs mots. “Poutine a passé toute l’année à essayer de prendre le président Trump pour un imbécile, écrit sur son compte X Mitch McConnell, élu du Kentucky et ancien patron des Républicains au Sénat. Si les responsables de l’Administration sont plus soucieux d’apaiser Poutine que d’assurer une paix durable, alors le président devrait se trouver nouveaux conseillers. Récompenser la boucherie russe serait désastreux pour les intérêts américains”.

À l’appui de son argumentaire, il cite un sondage selon lequel près de la moitié des Américains soutiennent l’Ukraine, tandis que moins de 20% se disent favorables à la Russie.. Sans critiquer le président qui l’a nommé mais sans oublier qu’il fut, lui aussi, en tant que sénateur l’un des plus ardents défenseurs de l’Ukraine, Marco Rubio est sans doute celui qui détient aujourd’hui la clé d’un accord plus équilibré. Cumulant désormais les rôles de ministre des Affaires Etrangères (“Secretary of State”) et conseiller à la sécurité nationale, il sait combien l’Ukraine et ses alliés européens comptent sur lui.

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Thierry Arnaud

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