À Bruxelles, l'autre budget qui fait polémique

Doté de 2000 milliards d’euros pour la période 2028-2034, le budget qui vient d’être présenté par la Commission Européenne suscite de nombreux remous. Sa méthode choque. Et la fragilisation de la politique agricole commune et la volonté d’instaurer de nouvelles taxes à l’échelle des 27 inquiètent tout particulièrement.

L'envers du globe
3 min ⋅ 24/07/2025

Je suis Thierry Arnaud, éditorialiste à BFMTV, ex-correspondant à New York et Londres, ancien chef du service politique de BFMTV et directeur de la rédaction de BFM Business. Crises géopolitiques, tensions économiques, recompositions du pouvoir… Chaque semaine, je vous propose de décrypter l’actualité internationale.

Le 16 juillet dernier, La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, tient une conférence de presse sur le budget 2028-2034 à Bruxelles qui n'a rien de révolutionnaire, bien au contraire.
(Dursun Aydeymir/Anadolu/AFP)

Accueil glacial pour le “Cadre Financier Pluriannuel” proposé par Ursula von der Leyen

“Le prochain budget sera le plus ambitieux jamais proposé”, Ursula von der Leyen, présidente de la Commission Européenne.

Un projet de budget qui fait pratiquement l’unanimité… contre lui. Une tête de l’exécutif sous le feu nourri des critiques mais qui reste sûre de son bon droit et de la pertinence de son approche: François Bayrou et Ursula von der Leyen n’ont pas partagé un retour d’expérience ces derniers jours, mais ils auraient pu.

Car depuis sa présentation le 16 juillet devant le parlement européen, le “Cadre Financier Pluriannuel” élaboré par la Commission Européenne pour la période 2028-2034 frappe autant par son ambition, son enveloppe sans précédent de 2000 milliards d’euros, que par la levée de boucliers qu’il a suscitée.

C’est d’abord la forme qui a choqué. Il est reproché à la présidente de la Commission Européenne d’avoir préparé ce projet de plusieurs centaines de pages qui engage les finances des 27 pour sept ans entourée de sa seule garde rapprochée. Les détails n’en ont été communiqués que quatre jours avant la présentation au parlement à l’ensemble des commissaires européens, dont les équipes ont dû à la hâte organiser une série de réunions marathon.

Un budget sur sept ans a-t-il encore un sens ?

À cette opacité s’ajoute une interrogation de plus en plus vive sur la pertinence d’un cadre budgétaire pour une période aussi longue. C’est sous la présidence du français Jacques Delors, au milieu des années 80, que la Commission a mis en place ce cadre pluriannuel, d’abord sur cinq ans, puis sur sept, afin de donner stabilité et visibilité à l’action budgétaire de l’UE (et accessoirement, dans un premier temps, de donner satisfaction à Margaret Thatcher qui réclamait le retour d’une partie de l’enveloppe britannique - le fameux “I want my money back”). Si l’allocation de ressources à long terme garde une pertinence, la multiplication récente des crises, du COVID à la guerre en Ukraine, a montré que la capacité à dégager dans l’urgence des ressources ad hoc devenait au moins aussi importante.

La vision ambitieuse et novatrice tant vantée n’est pas au rendez-vous

Mais c’est sur le fond que “le budget le plus ambitieux jamais proposé”, selon la formule d’Ursula von der Leyen, essuie les critiques les plus sévères. Côté dépenses, il est prévu de rassembler les fonds de cohésion régionale, la politique agricole commune, la politique sociale, etc. Le tout au sein d’une seule et même vaste enveloppe de près de 900 milliards, à charge pour chaque État membre d’en flécher la distribution… Est-il encore possible, dans ces conditions, de garantir la pérennité de la PAC ? À Bruxelles (et pas seulement), certains se posent déjà la question.

Côté recettes, Ursula von der Leyen et son équipe ont bien compris que l’heure n’était plus à demander des rallonges aux États membres. D’où le retour d’un serpent de mer bien connu à Bruxelles: doter le budget de l’Europe de ressources propres - en l’occurrence, d’une taxe sur les entreprises générant plus de 100 millions d’euros de chiffre d’affaires. Le chancelier allemand Friedrich Merz a déjà répondu par un “nein !” franc et massif. Gageons qu’il ne sera pas le seul.

Au bout du compte, au vu des fonds levés pour faire face aux différentes crises, ce budget de 2000 milliards s’annonce globalement stable par rapport à la période précédente (2070 milliards d’euros). Et, contrairement à ce qu’affirme la présidente de la Commission, il n’est pas porteur d’une vision ambitieuse, novatrice et partagée. 

Le chiffre

2000

Le nombre de manifestants dans le centre de Kyiv le 22 juillet, estimé par le Washington Post. Une moblisation sans précédent depuis l’invasion russe, pour protester contre une nouvelle loi remettant en cause le statut indépendant des deux agences ukrainiennes de lutte contre la corruption, sujet particulièrement sensible. Un texte défendu par le président Zelensky mais condamné par plusieurs responsables européens , estimant qu’il compromettait les chances de l’Ukraine d’adhérer à l’UE.

Des manifestants brandissent des pancartes lors d'une manifestation appelant le président ukrainien à opposer son veto à une loi votée par le Parlement réduisant les pouvoirs du Bureau national de lutte contre la corruption (NABU) et du Parquet spécialisé dans la lutte contre la corruption (SAPO), dans le centre-ville de Kiev, le 22 juillet 2025, en pleine invasion russe de l'Ukraine. (AFP)

La lecture de la semaine

“Filthy Rich” par James Patterson, éd. Grand Central Publishing

Pour tout comprendre, ou presque, de l’affaire Epstein, sous la plume toujours efficace d’un maître américain du thriller. Publié en 2016, ce n’est pas l’ouvrage le plus récent sur le sujet (Epstein sera arrêté et se suicidera à l’été 2019) mais un récit essentiel sur l’ascension, les dérives et les crimes d’une personnalité encore aujourd’hui au coeur de l’actualité. Un récit qui a également inspiré un documentaire à revoir sur Netflix.

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Thierry Arnaud

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