La diplomatie française, l'autre victime de la crise politique

De l'Ukraine au Proche Orient en passant par Bruxelles, Emmanuel Macron était jusqu'ici parvenu à maintenir la France au centre du jeu malgré une impopularité grandissante. La crise politique hors norme que traverse le pays menace la diplomatie française et le chef de l'État d'être relégués au rang d'acteurs marginaux.

L'envers du globe
4 min ⋅ 09/10/2025

Je suis Thierry Arnaud, éditorialiste à BFMTV, ex-correspondant à New York et Londres, ancien chef du service politique de BFMTV et directeur de la rédaction de BFM Business. Crises géopolitiques, tensions économiques, recompositions du pouvoir… Chaque semaine, je vous propose de décrypter l’actualité internationale.

Alors que la France traverse une grave crise politique, le président français Emmanuel Macron et la première dame reçoivent Hussein, le prince héritier de Jordanie et son épouse la princesse Rajwa Al Hussein à l'Élysée le 8 octobre 2025. (Photo MUSTAFA YALCIN / AFP)

Le chaos institutionnel et politique menace l’influence de la France

Les Français se moquent qu’il ait fait preuve de courage et de détermination quand il s’est agi de faire face à l’agression russe, et qu’il ait pris la tête du mouvement en faveur de la reconnaissance d’un État palestinien aux Nations unies. Ils ne l’aiment pas, c’est tout.”
Irish Times, 8 octobre 2025

C’est une règle politique intangible dans les grandes démocraties occidentales: l’action diplomatique d’un chef d’État et de gouvernement n’est jamais un levier pour conquérir la popularité ou la retrouver si elle est perdue. Un échec peut coûter cher. Mais la réussite est rarement récompensée par des bulletins de vote ou des pourcentages d’opinion favorables dans les sondages. Et une faiblesse politique étalée aux yeux du monde se paie au prix fort sur la scène internationale.

Il n’est pas question de dire ici qu’Emmanuel Macron a tout réussi en matière de politique étrangère. Il lui est même arrivé plus d’une fois d’échouer spectaculairement - on pourrait citer en exemple la tentative effrenée et totalement infructueuse de séduire Donald Trump pour mieux l’influencer, dès le début du premier mandat du président américain, ou encore l’incapacité à convaincre Vladimir Poutine de renoncer à envahir l’Ukraine (qui a oublié cette image de février 2022, montrant les deux présidents chacun assis au bout d’une immense table dans un salon du Kremlin, à quelques heures de l’assaut russe ?). Il a aussi parfois amèrement déçu les espoirs qu’il avait lui-même suscités: où en est le Liban plus de cinq ans après la visite d’août 2020 dans un port de Beyrouth dévasté et la promesse de “lancer une nouvelle initiative politique” pour la “refondation d’un ordre politique nouveau” ?

Comment continuer à boxer au dessus de sa catégorie ?

Mais l’engagement, l’opiniâtreté indéniable du président français ont incontestablement maintenu la capacité d’action et d’influence de la diplomatie française bien au-delà ce que pourrait logiquement espérer un pays qui pèse moins de 3% de l’économie mondiale et moins de 1% de la population de la planète. Sous Emmanuel Macron, la France a pu continuer, selon la formule qu’affectionne les anglophones, à “punch above its weight” - à “boxer au dessus de sa catégorie” -, et pas seulement en raison d’avantages institutionnels tels que son statut de membre permanent du conseil de sécurité de l’ONU ou de membre fondateur de l’Union Européenne.

Lorsqu’il a fallu conjurer le risque d’une dislocation de l’Europe au lendemain du Brexit, offrir au Royaume-Uni une enceinte pour demeurer dans le concert des nations européennes, le président français est à la manoeuvre pour créer une Communauté Politique Européenne, qui compte aujourd’hui 47 pays et vient de tenir son septième sommet à Copenhague. C’est lui aussi, aux côtés du Britannique Keir Starmer, qui est le véritable moteur de la constitution de cette coalition des volontaires, 18 pays déterminés à soutenir l’Ukraine coûte que coûte alors que l’Amérique de Donald Trump laisse planer la menace d’un lâchage. Lui encore qui entraîne aux Nations Unies un mouvement de reconnaissance de l’État palestinien avec dans son sillage des pays tels que le Royaume Uni, le Canada, l’Australie ou encore la Belgique et le Portugal… Un président aussi malmené et affaibli dans son propre pays peut-il espérer conserver un tel pouvoir d’influence hors de ses frontières ?

Cloué au pilori par la presse internationale

Les Français se moquent qu’il ait fait preuve de courage et de détermination quand il s’est agi de faire face à l’agression russe, et qu’il ait pris la tête du mouvement en faveur de la reconnaissance d’un État palestinien aux Nations unies. Ils ne l’aiment pas, c’est tout,” tranche l’Irish Times dans son édition du 8 octobre. Vient un moment, et peut-être l’a-t-on déjà atteint, où l’ingouvernabilité de la France devient un problème encore plus grand”, résume le journal néerlandais De Volkskrant. Les médias américains et britanniques font assaut de sévérité. Mais c’est peut-être l’inquiétude de la presse ukrainienne qui apparait comme la plus poignante: “Chaque turbulence sur le continent européen joue en faveur de la Russie, qui rêve de déstabiliser et d’effrayer l’Occident par tous les moyens”, peut-on lire sur Stosportal, traduit par Courrier International.  La conclusion semble assez claire: la crise politique hors norme que traverse le pays menace la diplomatie française et son président d'être relégués au rang d'acteurs marginaux.

Le chiffre

40%

C’est le pourcentage des jeunes espagnols, âgés de 18 à 34 ans, qui se disent prêts à voter pour le parti d’extrême droite Vox. Son programme défendant l’“identité espagnole”, préconisant l’expulsion massive d’immigrés ou encore la restriction des droits à l’avortement et des personnes trans progresse dans toutes les classes d’âge mais s’envole auprès des plus jeunes.

La lecture de la semaine

How Americans View the Israel-Hamas Conflict 2 Years Into the War, Pew Research Center, 3 octobre 2025

L’évolution est spectaculiare: près de six Américains sur dix soit 59% disent aujourd’hui avoir une opinion négative d’Israël (contre 42% en 2022), tandis que 39% considèrent que l’État hébreu va “trop loin” dans la guerre menée à Gaza. Comme d’autres récemment, cette étude détaillée du Pew Research Center confime la politique menée par Benyamin Netanyahu se paie au prix fort dans l’opinion américaine. Si la tendance se poursuit, elle pourrait finir par peser sur le soutien du Congrès à Israël.

L’opinion des Américains à l’égard de la politique de l’État israélien de Benjamin Netanyahu n’a de cesse de se dégrader.
Capture d'écran – Gallup

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Thierry Arnaud

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Par Thierry Arnaud

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