La France mène la croisade contre l'accord commercial de l'Union Européenne avec le bloc sud-américain. En discussion depuis un quart de siècle, le projet de traité ouvre la perspective d'un marché de 750 millions d'habitants, d'un puissant relais de croissance pour l'Europe, mais bute sur la menace qu'il fait peser sur son agriculture.
Je suis Thierry Arnaud, éditorialiste à BFMTV, ex-correspondant à New York et Londres, ancien chef du service politique de BFMTV et directeur de la rédaction de BFM Business. Crises géopolitiques, tensions économiques, recompositions du pouvoir… Chaque semaine, je vous propose de décrypter l’actualité internationale.
Des agriculteurs se rassemblent avec leurs tracteurs sur le périphérique d'Arras, dans le Pas-de-Calais, le 13 décembre 2025, pour protester contre l'abattage des troupeaux atteints de dermatose et exprimer d'autres griefs, notamment à propos de l'accord du Mercosur qu'ils considèrent comme une concurrence déloyale. Ces manifestations se sont propagées à travers le pays ces trois derniers jours. (Luc Auffret / AFP)
“Les accords commerciaux représentent davantage que des cadres économiques. Ils sont une manière de construire des communautés de valeurs partagées”
Ursula von der Leyen, présidente de la Commission Européenne, 6 décembre 2024
D’un côté de l’Atlantique, 300 millions d’hectares de terres agricoles, le premier exportateur mondial de bœuf, de volailles, de soja ou encore de sucre. Du pétrole, des minéraux. Une industrie émergente. C’est le Marché Commun du Sud, ou Mercosur, qui réunit depuis 1991 Argentine, Brésil, Paraguay ou Uruguay, et plus récemment quelques membres associés. De l’autre, l’Union Européenne, la première puissance agricole exportatrice au monde mais aussi une industrie diverse et développée en quête de relais de croissance.
Les deux blocs négocient un traité commercial depuis vingt cinq ans avec pour ambition la création d’une zone de libre échange de 750 millions d’habitants, représentant environ le quart du PIB mondial. Mais ceux qui œuvrent et militent pour ce rapprochement y voient bien plus qu’une opportunité économique historique. “Les accords commerciaux représentent davantage que des cadres économiques. Ils sont une manière de construire des communautés de valeurs partagées”, affirmait Ursula von der Leyen, présidente de la Commission Européenne, à l’occasion d’un déplacement à Montevideo le 6 décembre 2024.
C’est donc une décision cruciale à laquelle sont confrontés les 27 chefs d’État et de gouvernement réunis à partir de ce jeudi à Bruxelles: ratifier – ou non – l’accord que leur soumet la Commission. Sa présidente Ursula von der Leyen attend un feu vert et a même prévu de se rendre au Brésil, à Foz do Iquaçu, pour une signature le 20 décembre. L’Allemagne la soutient de tout son poids, tout comme l’Espagne. En face, la France mène la résistance avec l’aide de la Pologne et de la Hongrie, et a reçu mercredi soir un renfort qui pourrait s’avérer décisif, celui de l’Italie. Car la décision se prend non pas à l’unanimité, mais à une majorité qualifiée : 15 États sur les 27 de l’Union Européenne, représentant au moins 65% de sa population. Si l’axe France, Pologne, Hongrie et désormais Italie tient au Conseil Européen, le compte n’y sera pas et la ratification devra être reportée.
L’accord repose essentiellement sur l’instauration progressive d’une vaste zone de libre échange : plus de 90% des droits de douane actuellement en vigueur ont vocation à être supprimés. Le choc pour les échanges serait amorti par un système de quotas évolutifs, une réduction des droits de douane étalée dans le temps (18 ans pour les voitures électriques et hybrides par exemple), des mesures de protection des appellations les plus emblématiques (Champagne, Prosecco, etc.) et des mécanismes de sauvegarde. “Nous avons pris beaucoup de temps pour écouter les agriculteurs et tenir compte de leurs revendications”, insistait le commissaire européen en charge de Commerce, le Slovaque Maros Sefcovic. Avant de conclure, optimiste : “Et je pense honnêtement que nous y sommes parvenus.”
À Paris, Rome, Varsovie et Budapest, on reste convaincu du contraire, on demande de meilleures garanties, et le report de tout accord d’ici là. “Le compte n’y est pas”, répète-t-on à tous les étages du gouvernement français. Depuis Rome, Georgia Melon se dit prête à un accord… mais pas sans concessions supplémentaires. “Au début de l’année prochaine, toutes ces conditions seront réunies", prédit-elle.
Côté français, porté par la volonté d’une réponse politique à la mobilisation des agriculteurs, on a conscience de la nécessité d’aller bien au-delà . Dire que l’agriculture française souffre de la concurrence internationale relève de l’euphémisme. Elle dégageait un excédent commercial de près de 12 milliards d’euros en 2011, à peine supérieur à 5 milliards douze ans plus tard. En 2025, la balance commerciale de l’agriculture française pourrait devenir négative, pour la première fois depuis… 1978. Et cela avant même que tout accord avec le Mercosur n’entre en vigueur, et alors que les importations françaises de boeuf brésilien, à titre d’exemple, sont à ce jour quasi-inexistantes. D’où la longue liste de revendications françaises qui seront de nouveau exposées à Bruxelles: des “clauses miroirs” (c’est à dire l’exigence de conditions de production et de normes sanitaires équivalentes), des quotas plus stricts, des clauses de sauvegarde activées plus rapidement, des procédures simplifées de recours et de suspension en cas de litige… sans compter de nouveaux engagements de protection de l’environnement et contre la déforestations en Amazonie.
Mais tandis que les agriculteurs protestent, les industriels trépignent. Une étude récente évolue à 37% le potentiel de hausse des exportations industrielles vers le Mercosur une fois l’accord pleinement entré en vigueur.
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C’est le taux de chômage le plus élevé au Royaume Uni depuis janvier 2021, après la perte de 149 000 emplois sur un an, et 38 000 pour les seuls mois d’octobre et novembre. Déjà confronté à une forte vague d’impopularité, le gouvernement de Keir Starmer paie ainsi l’incertitude provoquée par ses hésitations en matière fiscale avant la présentation du budget, fin novembre. Ce coup de mou ouvre la voie à une baisse des taux directeurs de la Banque d’Angleterre.
Taux de chômage au Royaume Uni ces douze derniers mois.
C’est une énorme onde de choc provoquée par la publication de la première partie de ce portrait et entretien fleuve de Susie Wiles par le magazine Vanity Fair. La “Chief of Staff” de Donald Trump (un titre qui n’a pas de strict équivalent en France mais qui désigne le très puissant bras droit du président) s’y confie sans ambages: le président a “la personnalité d’un alcoolique", le vice-président JD Vance “est un adepte des théories conspirationnistes depuis une décennie”. Selon elle, il se serait d’ailleurs rallié à Donald Trump par pur opportunisme. Et Elon Musk ? Il aurait d’après Susie Wiles une fâcheuse tendance à abuser de la kétamine et à afficher un comportement bizarre et pas toujours rationnel… Ce ne sont pas les seules révélations de cet article dont l’auteur, Chris Whipple, est un journaliste chevronné. Susie Wiles l’a néanmoins accusé d’avoir sorti ses propos de leur contexte et même démenti avoir tenu certains d’entre eux. Pas de chance: tout a été enregistré…
Susie Wiles dans l’ombre de Donald Trump en octobre dernier ( Getty Images via AFP).
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Thierry Arnaud